Un autre père (Arte) : comment l'homophobie a compliqué le casting du film de Pierre Linhart

Rédigé le 12/12/2025
Pauline Hohoadji

Était-ce difficile de trouver le bon équilibre entre les 3 sujets du film que sont la quête de la mère, celle de l’amour perdu et de l’héritage ?

La thématique commune est la réparation. Quelles traces laissent les ruptures, les séparations et les traumatismes sur l’histoire. Le point de départ du film, est ce que j’ai vécu il y a 30 ans. Après mon école de cinéma, je suis parti 16 mois au Nigéria pour un projet de coopération. J’habitais dans un village et tous les week-ends, j’allais à une plage où habitaient un homme et un enfant de 4 ans qui s’est beaucoup attaché à moi. Il ne parlait pas anglais donc il n’y avait pas d’échange avec la parole mais un lien s’est tissé malgré tout. Avant mon départ du Nigéria, l’homme m’a conseillé d’adopter cet enfant qui était orphelin. Cette proposition m’a bouleversée mais j’étais trop jeune… J’ai souvent pensé à lui depuis. Pour ce film, j’ai imaginé la vie que j’aurais pu avoir si je l’avais adopté…

Lumière sur l'esclavage dans Un autre père d'Arte

Vous avez tourné en Afrique, notamment à La Porte du Non Retour à Ouidah (Bénin), un mémorial de la traite des esclaves…

J’avais déjà vécu cette scène il y a 18 ans. J’avais tourné un film au Bénin avec une autre réalisatrice et j’avais visité le centre mémoriel de Ouidah avec des afrodescendants et la guide Martine de Souza, qui joue son propre rôle dans Un autre père . A la fin de cette visite, elle a demandé pardon aux visiteurs au nom de ses ancêtres. Certains se sont mis à pleurer… On n’imagine pas l’intensité d’une telle scène. Ça m’a marqué et elle est devenue un des fondamentaux de mon film. Ça n’a pas été évident car nous tournions au Sénégal et il a fallu déplacer toute l’équipe vers le Bénin alors que nous avions un tout petit budget. Mais Il n’y a pas d’autre endroit comme celui-là… J’ai beaucoup pleuré lors de cette scène, tout comme Ladi Emeruwa, qui joue Miles. 

Un casting compliqué par l'homophobie

Comment s’est faite la rencontre avec Tyron Bayineni, le jeune enfant qui joue Gabriel ?

On a fait un long casting enfant mais on a eu de la chance car on l’a trouvé dès le premier jour ! Le problème, c’est qu’il faut toujours un deuxième choix pour un film avec un enfant. Mais impossible de trouver ! On a vu une centaine de candidats, ce fut très fastidieux et il y a eu beaucoup d’homophobie. Lorsqu’on expliquait l’histoire et le passé amoureux du père adoptif du petit garçon (Jean Le Peltier), un personnage homosexuel, beaucoup de parents étaient choqués que ce soit une histoire d’amour avec un homme. Nous avons aussi du mal à trouver l’interprète de Miles, l'ancien compagnon du père. On devait caster une quinzaine d’acteurs anglais mais dès qu’ils recevaient la scène du bain, ils annulaient. Seuls deux ont accepté…

 Un autre père est à voir ce vendredi à 20h55 sur Arte