Le vent se lève (France 4) - Hayao Miyazaki : "Aspirer à la beauté peut s’assortir d’un lourd prix à payer"

Rédigé le 13/12/2025
Isabelle Magnier

En 2014, le créateur de Princesse Mononoké avait annoncé, à 73 ans, qu’il rangeait crayons et pinceaux, après cinquante ans d’une oeuvre faite de poésie et d’imaginaire, portée par sa vision prophétique d’une nature sacrée menacée par l’homme. Le vent se lève  serait donc son dernier film, son oeuvre la plus personnelle. Mais sa première fois, loin du conte, son territoire de prédilection. Le patriarche nous transporte dans les années 20 et 30, minutieusement reconstituées, sur les traces de Jiro Horikoshi, l’ingénieur du Zero, le chasseur bombardier qui s’est tristement illustré pendant la guerre du Pacifique, de Pearl Harbor, en 1941, aux raids des kamikazes. Le film, dont le titre s’inspire du poème de Paul Valéry, Le Cimetière marin , semble concentrer tous les rêves d’apesanteur de Miyazaki, passionné de machines volantes depuis l’enfance. Le vent, élément essentiel de son oeuvre, fait voler Kiki la petite sorcière, léviter les héros du Château dans le ciel, planer Porco Rosso,  l’aviateur à tête de cochon. 

GLISSER SUR LE VENT 

Comme un double de fiction du cinéaste, Jiro ne pense qu’à ça, voler et voler encore. Il dessine des avions sur ses cahiers d’écolier et rêve d’être pilote, mais sa myopie lui en interdit la carrière. Adulte, il passe le concours d’ingénieur à Tokyo, avant d’être embauché chez Mitsubishi, son talent pour inventer des fuselages aérodynamiques ayant été vite repéré. Il voyage en Europe, se rend en Allemagne, où il admire les derniers prototypes aéronautiques du Reich, marqués de croix gammées. Obsédé par ses équations et par l’idée qu’il lui faut atteindre la perfection, le jeune homme ne voit le mal nulle part, ni vers quels abîmes court le pays qu’il dote d’une parfaite machine à semer la mort. « Je souhaite dresser le portrait d’un idéaliste passionné, explique Miyazaki. Il y a dans les rêves une part de folie, et pareil poison ne saurait être dissimulé. Aspirer à la beauté peut s’assortir d’un lourd prix à payer. Jiro sera battu, mis en échec. Malgré cela, il était un créateur d’une originalité et d’un talent remarquables. C’est ce que le film tente de montrer. »

Toute sa vie, l’inventeur du Zero va rêver de glisser sur le vent, mais devra avancer contre celui de l’Histoire, qui fait tournoyer la cendre dans le ciel de Tokyo. Le premier désastre viendra des profondeurs : dans une prodigieuse séquence, le cinéaste reconstitue le grand séisme du Kantô, en 1923, qui détruisit une partie du Honshu, la plus grande île de l’archipel nippon. La terre tremble et se soulève en vagues aussi noires qu’une mer de pétrole, alors même que le récit vient de fêter la rencontre, à la faveur du vent et d’un chapeau qui s’envole, entre Jiro et sa future épouse, Nahoko, artiste peintre. Est-ce encore le vent qui poussa Miyazaki à retrouver sa table à dessin ? Dix ans après Le vent se lève, « le trésor national vivant » était de retour avec une nouvelle merveille,  Le Garçon et le Héron, récompensé d’un Oscar en 2024. Mais c’est une autre histoire… 

Le vent se lève, samedi 13 décembre à 21h05 sur France 4