Télé 7 Jours : Avez-vous senti une forme de responsabilité en portant cette arche dans cette série grand public qu’est Un si grand soleil (France 3) ?
Coline Ramos-Pinto : Je crois qu’il y a déjà eu une intrigue de ce genre avec des lycéens de la série, donc je ne sentais pas spécialement de responsabilité. J’étais juste contente car je trouve normal qu’il y ait ce genre d’arches. Mais c’est une intrigue comme une autre, c’est aussi simple que ça pour moi. Au montage, pas mal de choses ont été enlevées. Avec mon ami Arnold Mensah, qui joue Pascal, nous nous étions donnés du mal pour reformuler et parler de sujets comme le racisme systémique. Je ne sais pas s’ils ont voulu gagner du temps au montage ou si ça n’allait pas passer auprès de la chaîne… Mais même si on aborde un tel sujet, on sent parfois, même à l’écriture, que des choses ne peuvent pas être dites. C’était délicat. Nous, on a aussi essayé d’apporter des références comme Angela Davis et Malcom X. Mais c’était trop, il fallait rester sur un racisme que tout le monde imagine, celui d’un refus d’entrer dans un restaurant par exemple, alors qu’il existe des racismes plus subtils. Le racisme systémique, c’est ça et c’est le plus douloureux je pense car il est difficile à expliquer et faire remarquer aux autres. Mais cette arche, on va dire que c’est déjà un bon début. Pour une grande chaîne comme France 3, c’est très bien.
Ce racisme, on le voit aussi sur les réseaux sociaux. Est-ce que vous lisez les commentaires et comment réagissez-vous s’ils sont durs ?
Ça ne me fait rien lorsqu’il s’agit de moi et de mon corps. Je m’en fous, ça me passe vraiment au-dessus de la tête. Mais ceux racistes, ça reflète la société dans laquelle on est. Et ça, ça me fait peur. J’ai du mal à me blinder à ce sujet. J’y arrive lorsque ce sont des commentaires sur mon physique ou mon jeu car seules les remarques des gens que j’aime peuvent m’atteindre. Mais pour des sujets de société comme le racisme, ma première sensation est la peur.
Coline Ramos-Pinto victime de racisme
Après avoir mené son combat seule, allant même jusqu’à publier en douce son article sur le site du Midi Libre, Kira est finalement soutenue par ses collègues qui font un testing et vérifient ainsi le racisme du restaurant à l’entrée. Comment avez-vous travaillé et vécu la fin de cette arche ?
Avec Arnold, nous débriefions après chaque tournage. On ne faisait que parler de ça. Il m’a apporté énormément de références. J’ai acheté des livres, je me suis renseignée, j’ai appris des choses… J’ai grandi aux Sables-d’Olonne. J’ai vécu le racisme mais sans avoir conscience que c’en était. J’ai loupé plein de choses, j'ai donc dû en apprendre. Je me suis sentie nourrie pendant cette intrigue. Il y avait vraiment quelque chose de l’ordre de la recherche et de l’investigation avec Arnold. Avec les autres comédiens, on parlait de notre vécu. On faisait des mises en situation pour voir comment ils pouvaient aider dans une telle situation de violence raciste.
Seriez-vous prête à aller aussi loin que Kira pour dénoncer quelque chose ?
Je ne pourrais pas aller aussi loin que Kira car elle fait des trucs… Mais j’ai l’impression que dénoncer, c’est déjà braver des interdits aujourd’hui. Donc oui, je serais prête à braver ces interdits pour des questions de sexisme, misogynie, discrimination ou toute forme d’injustice.
Aviez-vous déjà travaillé avec Arnold Mensah ?
Non mais ça a été une découverte ! Ce fut un vrai coup de foudre amical, pour moi en tout cas car je ne vais pas parler à sa place. A tel point que l’on va certainement retravailler ensemble sur des projets au théâtre. Il m’a beaucoup soutenue (pendant cette arche, ndlr). Il est très à l’écoute et m’a apporté beaucoup d’énergie. Le mec est tout le temps de bonne humeur (rires) !
On vous sent comblée.
Dès que je pense à lui ou je parle avec lui, je me sens tout de suite rassurée.
Vous parliez de projets de théâtre ensemble. Avez-vous déjà une idée de pièce ?
Oui et Arnold en est le directeur artistique. Je ne sais pas si j’ai le droit d’en parler… Mais sur le plateau, il n’y aura que des acteurs noirs ou racisés et ça parlera de la place de l’homme noir.
Je suis tellement contente parce que j’ai tellement manifesté pour ça. Pendant cette année et demie de flottement, je me suis reposée et il a fallu que je me concentre sur ce que je voulais être. J’avais l’impression que j’étais en train de me perdre. Là, c’est comme si tout était en train de s’aligner. C’est pour défendre des sujets qui me concernent et me motivent que je suis devenue comédienne.
À lire également
Coline Ramos-Pinto prête à quitter de nouveau Un si grand soleil (France 3) ?
Qu’est-ce qui vous attend dans Un si grand soleil après la fin de cette arche ? Une date de départ est-elle prévue ?
Il n’y a pas de date de fin. Je suis encore curieuse de voir ce qu’ils ont à proposer aux personnages. Pour l’instant, je ne me mets pas la pression et je continue.
On vous a récemment vue dans OPJ. Avez-vous d’autres projets de séries en stock ?
Pour l’instant, je passe pas mal de castings et j’attends des réponses. J’ai décroché un rôle de serveuse dans un bar dans un pilote de série mais il n’y a pas encore de financements. Donc le projet aura peut-être lieu en 2026, s’ils trouvent des financeurs. Mais pour l’instant à part le théâtre, on reste sur Un si grand soleil.
Quel serait le rôle de vos rêves ?
Jouer une héroïne mère aux côtés de grands acteurs comme Aïssa Maïga. Je ne sais pas de quoi ça pourrait parler mais je veux bien être comédienne sur des sujets engagés et pourquoi pas tourner un projet au Cap-Vert !

