Complément d’enquête sur CNEWS : pourquoi France 2 a dû couper une partie de son investigation ?

Rédigé le 28/11/2025
Kahina Boudjidj

France 2 a consacré, ce jeudi 27 novembre, un numéro entier de Complément d’enquête à CNews, présentée à la fois comme un phénomène d’audience et une habituée des rappels à l’ordre. Dans sa bande-annonce, le magazine avait d’ailleurs résumé ainsi son angle : "Entre succès d’audience, débats musclés et dérapages : CNews, la chaîne d’information en continue la plus regardée de France est aussi la plus sanctionnée du paysage audiovisuel" .

Pascal Praud prend la parole en amont de la diffusion

Plutôt que de se tendre avant la diffusion, Pascal Praud a choisi de dédramatiser l’événement en direct dans L’Heure des Pros . Un sourire en coin, il a lancé : "On souhaite à nos amis de France Télévisions qu’ils fassent une bonne audience. C’est la rançon de la gloire. Si vous ne voulez pas être attaqué, vous ne faites pas de la télévision, vous ne vous mettez pas en première ligne ". Et d'ajouter néanmoins :  "S’il y a diffamation, nous porterons plainte même si je ne pense pas qu’il y aura diffamation. Ils n’iront pas jusque-là. Ce sont des attaques. Personne n’est dupe. Le téléspectateur est intelligent. Il se fait son opinion et puis, il choisit la chaîne qu’il veut. La meilleure réponse, c’est l’antenne" .

L’Arcom dément RSF 

Seulement voilà, selon nos confrères du Parisien , à quelques heures de la diffusion de ce numéro de Complément d’enquête , France 2 a dû tailler dans son propre documentaire en urgence. En cause ? Une mise au point de l’Arcom, venue contredire frontalement les accusations de Reporters sans frontières (RSF) contre la chaîne du groupe Bolloré. La veille, RSF affirmait dans les colonnes du Parisien que CNews accordait, en journée, 40,6 % d’exposition à l’extrême droite contre seulement 15,4 % à la gauche. Une étude qui pointait aussi un supposé "rattrapage nocturne" permettant à la chaîne de contourner les règles du pluralisme politique.

Ce jeudi, le gendarme de l’audiovisuel a pourtant opposé un démenti. "Il n’y a pas de contournements des règles du pluralisme politique sur le mois de mars 2025 sur CNews, et s’il y en avait eu, nous les aurions identifiés et nous serions intervenus" , indique l’Arcom à l’AFP. Et l’autorité d'insister : "Nos résultats ne sont pas ceux de RSF. Nous n’avons pas de doute" . Cette position officielle, rendue publique quelques heures seulement avant la diffusion du magazine, a fait voler en éclats une partie du dispositif éditorial de France 2… Selon Le Parisien , la chaîne publique a immédiatement convoqué les équipes de Complément d’enquête pour supprimer en urgence toute la partie consacrée au temps de parole nocturne, un passage "de quelques minutes" qui ne sera finalement jamais diffusé.

RSF maintient sa version

Dans un communiqué publié dans la soirée, France 2 justifie ce retrait express : "Un élément nouveau et tardif est sorti dans la presse relatant la position de l’ARCOM quant à l’étude de Reporters Sans Frontières concernant le chapitre du rattrapage nocturne du temps de parole. Etant dans l’impossibilité technique de rajouter cet élément contradictoire aussi près de l’heure de diffusion de l’émission, nous n’avons eu d’autre choix que de couper la séquence concernée. Notre priorité étant toujours de respecter le contradictoire" .

Le reste de l’enquête, notamment l’analyse du traitement éditorial de CNews, accusée par RSF d’avoir consacré son mois de mars 2025 quasi exclusivement à l’immigration pendant que ses concurrentes abordaient la guerre en Ukraine, est, lui, demeuré intégralement programmé et l’organisation de défense de la liberté de la presse ne renonce pas. Après avoir annoncé mercredi son intention de saisir l’Arcom, l’ONG campe sur ses positions malgré le démenti officiel. 

RSF indique avoir épluché 700 000 bandeaux d’information, grâce à un outil de capture automatisé couvrant BFMTV, CNews, Franceinfo et LCI sur tout le mois de mars 2025. Et ce jeudi soir, elle persistait "maintenir tous ses chiffres et ses conclusions" . L’intervention de l’Arcom à la dernière minute a provoqué un véritable séisme en interne et nos confrères du Parisien parlent même d’une "énorme zizanie" au sein de France Télévisions, tant la situation place la chaîne dans un inconfort éditorial inédit…